Abus sexuel : ça ne me fait plus mal d'y penser

abus sexuel

Pour préserver la confidentialité de la personne, son prénom a été changé et est donc totalement fictif. Cette séquence a été retranscrite avec son accord, afin de la publier et de permettre à d'autres personnes abusées de prendre conscience qu'il est toujours possible de « crever l'abcès » et de commencer à vivre autrement, libérés de ces barrières qui les ont emprisonnées durant longtemps.
Pour commencer à être ce qu'elles sont vraiment.

Objectif de la consultation : oser prendre la parole en public en confiance.

Lucie a 46 ans. Depuis 10 ans qu'elle travaille sur sa difficulté de prendre la parole en public, seules des améliorations résiduelles se sont produites, ponctuellement.
Cela handicape sa vie professionnelle et personnelle. Des tensions dans la nuque, le bras et le ventre lui indiquent clairement cette peur lorsqu'elle se prépare à parler.

"Je me sens tétanisée, complètement paniquée. Mais par chance, ça n'a pas l'air de se voir à l'extérieur, ainsi que plusieurs collègues me l'ont dit."

Après deux consultations, nous commençons la séance de E.M.D.R.T.
Quelques instants plus tard, Lucie est détendue, sa respiration est calme.

Je l'invite à se poser dans un lieu dans lequel elle se sent en sécurité, en confiance, seule ou accompagnée. Un espace dans lequel les sensations de bien être l'accompagnent, dans son esprit, dans son corps.
Elle me décrit alors ce lieu présent dans sa conscience, la joie et l'apaisement qu'elle vit.
Des mouvements oculaire lents s'en suivent et permettent d'ancrer profondément tout le positif de l'instant.

Je lui propose ensuite de remonter dans le temps, pour laisser émerger une situation dans laquelle elle n'a pas pu s'exprimer comme elle le voulait. Un moment peut être difficile pour elle de dire, de parler.

"Y a t il des images ou des sensations qui viennent à vous ?"
"Oui."
"Pouvez vous m'en faire part, me décrire ce que vous vivez ?"

"Je me vois dans cette robe espagnole, blanche à pois rouge."

"Quel âge avez vous ?"

"Peut être 6 ou 7 ans."

"Qu'y a t il autour de vous ?"

"J'entends de la musique, j'ai envie de danser. Il y a une estrade et un public. Sur l'estrade, une femme danse, effrénée."

"Que ressentez vous, que pensez vous en la regardant danser ?"

"Je me dis qu'elle est vivante, qu'elle a du plaisir à bouger son corps, qu'elle ose s'exposer au regard des autres. J'aimerais être comme elle."

"Qu'est ce qui vous empêche d'être comme elle ?"

"Je n'ose pas m'exposer comme ça, j'ai peur qu'on se moque de moi, je suis tétanisée à l'idée de danser devant les autres."

Son corps se remplit alors de tensions, notamment au niveau de la nuque et de son bras gauche, ces mêmes tensions qu'elle ressent lorsqu'elle doit prendre la parole en public.

Un première séquence de mouvements oculaires s'en suit, plus rapides, pour désamorcer la peur ressentie en voulant danser sur l'estrade.

Après la séquence, les tensions corporelles s'allègent nettement. Je propose de revenir à la scène où il y a le public et la danseuse. Mais là, une autre image se met en place dans son esprit :

"Je ne suis plus à ce spectacle. Je n'entends plus la musique. Il y a quelque chose, là, qui sent mauvais."

"Oû êtes vous ?"

"Je ne sais pas, mais il y a une trompe, oui, une trompe d'éléphant qui s'approche de moi."

"Que se passe t il en vous ?"

"J'ai peur ! J'ai très peur ! Ca pue !"

L'émotion grandit, son visage se crispe.

"La trompe est tout près de moi, elle... elle soulève ma robe... elle s'engouffre sous ma robe... je la sens entre mes cuisses ! J'entends une voix me dire : "si tu parles, je te tue !"

Les sanglots éclatent, elle se libère. Le poids de la peur... Le poids de l'horreur.

L'émotion s'apaise.
Une seconde séquence de mouvements oculaires s'en suit immédiatement. Il s'agit de désensibiliser
cette mémoire et les émotions associées.

Soupirs de soulagement, le calme corporel et psychique revient.

Après quelques respirations profondes, elle retourne à nouveau dans cette scène.

"Elle est encore là, la trompe... Elle veut s'approcher de moi."

"Qu'avez vous envie de faire ?"

"Je lui ai déjà mis un coup de poing. Je l'ai assommée."

Lucie avait déjà réagi avant même que je ne le lui suggère.

"Et comment vous sentez vous ?"

"Je n'ai plus peur, je me sens forte, la trompe ne reviendra plus."

Elle imprime alors ces nouvelles informations dans son être, sa force, sa capacité à avoir bien réagi face à cette menace. Je l'aide dans cette intégration en l'invitant à bouger ses yeux de droite à gauche. Puis, après quelques respirations profondes, elle me dit se sentir bien, remplie de force. Son corps confirme son état puisqu'elle ne ressent plus aucune tension nulle part. Je lui suggère de laisser apparaître une image ou une sensation qui a toute sa raison de se présenter à sa conscience maintenant.

Elle entend alors à nouveau la musique et retourne dans cet espace où le public attend de voir une danseuse. Elle avait changé de robe (l'autre sentait mauvais).

"Et que faites vous ?"

"Je me prépare à monter sur scène. Je vais danser...Je suis sur scène... je danse."

"Et comment cela se passe t il pour vous ?"

"Je me sens... vivante. Je me sens... grande."

"Et le public ?"

"Je l'entends. Il applaudit."

Je l'invite à fixer, par tous ses sens, ce qu'elle entend, voit, ressent, ce qu'elle vit en elle à ce moment précis. Tous les éléments positifs sont alors lentement ancrés en elle par d'autres mouvements oculaires.

La séance est terminée.

Il s'en suivra encore d'autres desquelles émergeront d'autres situations, où l'inconscient, ce bon ami, laissera voyager vers la conscience des clefs, qui lui permettra de comprendre, de nettoyer, de se reprogrammer de façon positive des éléments vécus.
C'est ainsi qu'elle transformera en elle les notions de :

- relations sentimentales avec les hommes,

  • sa juste place dans la société, de prendre la parole,
  • le plaisir sexuel (se réapproprier son corps comme source de plaisir et d'unité).

Les mémoires corporelles et psychiques toxiques ainsi nettoyées, transformées en mémoires neutres ou positives, vont alors très vite trouver leur répercussion dans le quotidien : modification dans les pensées, paroles, actions. Le regard porté sur son environnement et l'état intérieur ressenti changent.

Elle me fera part au cours des mois qui suivront de diverses situations dans lesquelles elle me dira en introduction : "c'est incroyable, je ne me reconnais pas. " :

Oser dire les choses et se positionner par rapport à autrui, sans que cela génère en elle de sentiments tels que la culpabilité, ou des sensations corporelles telles qu'une tension dans le ventre ou dans la gorge.
elle se renforcera dans la valeur qu'elle a d'elle et n'exprimera plus le souhait de vouloir être quelqu'un d'autre qu'elle admire.
Sa relation par rapport à son corps sera plus fluide et elle m'exprimera ses moments de plaisir : "je suis entrée dans une nouvelle dimension avec moi-même que je ne connaissais pas jusque là."

J'ai relaté cette séance parce qu'elle a été un moment clé dans le travail de Lucie.
Enfin comprendre que sa peur de parler est liée à la voix de son abuseur, son père : « tais toi, où je te tue ! »
Ce qui a signifié pour elle, durant des dizaines d'années que, d'une façon générale, lorsqu'elle va dire quelque chose, elle risque gros, elle risque de mourir. Elle a préférée se taire, s'effacer, laisser beaucoup, voire trop de place aux autres et éviter ainsi de s'affirmer.

Le souvenir de la situation traumatisante vécue restera présent. Cependant, l'émotion négative, la peur et en l'occurrence, associée initialement à ce souvenir va se dissoudre, être comme effacée.
Un formatage, en quelque sorte.

Puis en reprenant la même situation et en invitant la personne à réagir autrement (réaction de l'enfant à travers le regard de l'adulte), de nouvelles données mémorielles vont s'inscrire en elle. Nous l'avons vu, Lucie, dans un second temps, va donner un coup de poing à cette trompe et l'assommer. Elle prend le dessus sur la menace (représentative du sexe masculin), refuse de se soumettre, affirme son autorité, réagit pour se préserver. Ensuite, elle mettra une nouvelle robe, l'autre qui puait n'est plus d'actualité.

Lucie s'est recrée une autre réalité. Cela fonctionne puisque le cerveau enregistre comme « vrai » autant les situations que nous appelons réelles, que les situations imaginaires.



copyright  Edith Wehrlé

Facebook